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Bibliographie

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Lire de la musique

ANDREA ANTICO (ED), Motetti novi... a quatro sopra doi, Editions Minkoff, Genève (1982).
Un recueil de canons à quatre voix écrits sur deux portées, publié à Venise au début du seizième : oeuvres de Mouton, Brumel, Willaert, etc. Que ce soit pour la difficulté de résolution (quelques indications fausses ou vraiment difficiles) ou pour la qualité de la musique (l'exercice est ardu), il y en a pour tous les goûts...
PIERRE ATTAINGNANT (ED), Quatorze gaillardes, neuf pavanes, etc, Editions Fuzeau (1996).
Fac-simile d'apparence presque moderne et très lisible, mais rempli de petits pièges de détail, toutefois repérés dans l'introduction.
MANUSCRIT ITALIEN DE FROTTOLE, Editions Minkoff, Genève (1979).
Daté d'octobre 1502 par un scribe, il comprend également quelques pièces religieuses. Parmi les auteurs identifiés explicitement ou par recoupement, citons : Agricola, Cara, Isaac, Ghizeghem, Josquin, Tromboncino. Vous auriez peut-être apprécié une définition concise de la frottola ? Moi aussi ! Hélas, mon dictionnaire Honneger n'y parvient que par un long commentaire que je renonce à reproduire ici. Pour ne parler que du plan musical, disons tout de même qu'il s'agit de pièces homophones, plutôt que de contrepoint en imitation.
CHANSONNIER NIVELLE DE LA CHAUSSEE, Editions Minkoff, Genève (1984).
Madame de Chambure acquit ce document lors d'une vente chez Sotheby en 1939 ! Il porte la mention de la famille Nivelle de la Chaussée, et a peut-être appartenu à Pierre-Claude, poète et dramaturge de la première moitié du dix-huitième siècle. Les pièces de Binchois, Busnois, Dufay, Ockeghem, et de nombreux autres compositeurs moins connus ou restés anonymes semblent indiquer que ce manuscrit provient de la cour de Bourgogne dans les années 1460-1465.

 

En écrire

J. J. FUX / A. MANN (ED), The study of counterpoint, Norton (1971) - traduction du Gradus ad parnassum de Fux.
De nombreux cours de contrepoint ont simplement paraphrasé ce livre fondamental, et encore, en l'appauvrissant parfois de tout ce qui fait son intérêt : l'auteur y discute de cas épineux où un compromis doit être admis, il tente aussi de trouver une raison à chaque règle, et il avoue en toute simplicité, parfois, ne pas l'avoir trouvée. Cela nous change un peu des collections débiles de règles alignées sans explication, où l'auteur semble n'avoir d'autre souci que de prévenir toute compréhension de la part du lecteur, afin de s'assurer une dépendance éternelle vis à vis de Ses Lumières (petit mouvement d'humeur, mais j'ai vraiment un livre chez moi où l'on s'exclame : "L'élève ne devra, en aucun cas, supprimer la tierce." Les italiques ne sont pas de moi, mais de ce monsieur, dont je me demande s'il a jamais lu une seule ligne de musique de la renaissance. D'ailleurs n'est-ce pas un non sens absolu d'édicter de prétendues règles en dehors de toute considération d'époque, de style, et de compositeur ?)
KNUD JEPPESEN, The polyphonic vocal style of the sixteenth century, Dover (1992).
Le livre commence par une petite histoire des modes ecclésiastiques et de leurs tournures caractéristiques, ainsi qu'une revue détaillée des cours de contrepoint inspirés des deux écoles fondamentales : celle de Fux cité ci-dessus, et celle de Bach.
Puis il développe un cours clairement basé sur la première approche, et plus particulièrement sur l'étude des oeuvres de Palestrina connues pour leur fluidité mélodique dont l'auteur tente de dégager les recettes, avec de nombreuses citations musicales à l'appui.

JESSIE ANN OWENS, Composers at work, Oxford university press (1997).
Moyens et méthodes de travail dans cette période 1450-1600 qui nous intéresse : tablettes effaçables et papier (alors cher !) ; esquisses, brouillons, et versions définitives ; disposition en parties séparées ou en partitions verticales... La familiarité de l'auteur avec ces documents d'époque lui permet de reconnaître quelques compositeurs rien qu'à leur écriture !

 

En parler

WILLI APEL, The notation of polyphonic music, revised fifth edition (1961), enveloppe The medieval academy of America.
Les principes de bases de la notation ancienne : lexique (silences, figures de notes et ligatures) et grammaire (modes, tempus perfectum et imperfectum, proportions). La période couverte va des premiers manuscrits médiévaux jusqu'aux imprimés de la renaissance tardive, en passant par l'Ars nova et l'Ars subtilior.
ANNA MARIA BUSSE BERGER, Mensuration and proportion signs, réédition (1996), Clarendon Press - Oxford.
N'expose pas les principes de base, mais au contraire synthétise les documents d'époque pour faire le point sur les aspects les plus variables, donc les plus délicats, de cette notation : mensurations particulières, notations des proportions, valeur notée du tactus. Avec une conclusion intéressante : les auteurs les plus prolixes (notamment Tinctoris) n'ont pas toujours décrit une pratique majoritaire, bien au contraire ils ont parfois exposé leurs idées en vue d'inciter à une réforme du système vers plus de simplicité.
BLOCKLAND DE MONFORT, Instruction méthodique et fort facile pour apprendre la musique pratique
JEAN YSSANDON, Traité de la musique pratique
Reproduction de deux ouvrages du seizième siècle, réunis en un fascicule aux Editions Minkoff à Genève (1972).
Certes, ces petits traités exposent les bases du système, et sont une référence précieuse. Mais d'aucuns jugeront l'anglais contemporain de APEL plus évident que le français du seizième ! Par ailleurs APEL couvre une période plus large, avec le recul - mais aussi les lacunes documentaires et culturelles - d'une approche contemporaine.
TESS KNIGHTON / DAVID FALLOWS, Companion to medieval & renaissance music, University of California press (1992).
Cette série d'articles très variés, munis de bibliographie, constitue une attrayante introduction ! Parmi les sujets abordés : édition, interprétation, concert ; la musique et les musiciens dans la société ; questions de forme dans la messe ; iconographie instrumentale ; diapason, tempo ; approche des modes ; les bases de la musica ficta ; placement et importance du texte ; les diminutions à la renaissance ; etc. Quelques noms d'auteurs : Margaret Bent, Liane Curtis, David Fallows, Paul Hillier, Tess Knighton, Christopher Page, Hopkinson Smith, Anthony Rooley, Bernard Thomas, Robert Wegman !
VINCENT ARLETTAZ, Musica ficta, une histoire des sensibles du XIIIe au XVIe siècle, Mardaga, (2000).
Fantastique ouvrage de 500 pages, basé sur une analyse documentaire énorme et bien référencée : sources vocales et tablatures dans toute l'Europe ! Les premières sources, écrites en notation mensuraliste, restent évidemment ambigües dans bien des cas ; les tablatures sont assez ou très précises, selon leur type, mais en revanche très connotées par le lieu et la compétence ou le goût de leur transcripteur.
Quelques points centraux traités dans ce livre : la définition du principe d'attractivité engendra quelques vives polémiques, car elle varia selon les auteurs et, par conséquent, le pays et la période ; lorsqu'elle prescrit le rehaussement de la sensible (cas de loin le plus fréquent), sa notation explicite est une question clairement indépendante de sa pratique, comme le prouvent les hésitations de certains (Aaron) et la résistance de quelques autres (Willaert, Zarlino, Palestrina, Lassus) à l'évolution survenue au cours du XVIe siècle ; il n'est pas prouvé que l'expression causa pulchritudinis ai jamais reçu une définition claire ou, en tout cas, conforme à ce qu'on lui fait dire aujourd'hui ; il est prouvé, en revanche, que le rehaussement de la sensible a été prescrit et pratiqué bien différemment à une époque donnée, selon les pays (Allemagne versus Italie, notamment) ; le doublement du septième degré dans les grandes pièces polyphoniques fut pratiqué très couramment par l'école franco-flamande à ses débuts, mais, contraint par un refus quasi absolu des fausses relations d'octave par les théoriciens, il s'est raréfié à mesure que se généralisait son rehaussement ; l'Angleterre est décidément un cas à part, en ce qu'elle accepta, elle, les fausses relations, mais dans un contexte bien plus large que celui de la sensible, et parfois de façon aberrante, et aussi parce que les documents anglais sont très lacunaires pendant les trois premiers quarts du XVIe ; on ne peut donc en déduire de corrélation entre la situation anglaise et une hypothétique pratique de la fausse relation par l'école franco-flamande déjà éteinte à ce moment-là ; cette dernière fut d'ailleurs remarquablement pauvre en théoriciens, mais les seuls connus furent très réticents vis à vis d'une application systématique de l'attractivité conduisant, selon eux, à pervertir les modes.
Un livre fondamental, qui pourrait bien devenir la bible en ce domaine ! Je lui reproche toutefois de commencer par une définition un peu sommaire et trompeuse du terme musica ficta (reprise en quatrième de couverture), en ce qu'elle l'identifie avec la pratique d'altérations sous-entendues, mais bien entendu les choses sont affinées et rentrent dans l'ordre par la suite, dans le corps de l'ouvrage. Je ne suis guère convaincu non plus par l'argument, repris des auteurs de l'époque, selon lequel la notation explicite de la musica ficta fut finalement souhaitable pour éviter d'embarasser les chanteurs débutants : tout d'abord, les pièces posant problème ne pouvaient être celles figurant depuis longtemps au répertoire d'une chapelle, c'étaient des pièces nouvelles de grands maîtres. Par conséquent, débutant ne peut être pris au pied de la lettre, comme signifiant un manque total de technique vocale ou de culture auditive ; il s'agit de quelqu'un qui, comme on disait alors, ne comprend pas ce qu'il chante, c'est à dire n'est pas rompu aux subtilités des hexachordes et peut se tromper en première lecture quant au placement des demi-tons. Evidemment de telles oeuvres nouvelles n'étaient pas données sans répétitions tenues en présence d'un maître de chapelle ou du compositeur lui-même. Mais alors, si l'on affirme par ailleurs qu'une fausse relation était une chose tellement insupportable aux oreilles y compris des plus incultes, comment soutenir sans contradiction que l'exécutant lui-même, ou le maître de chapelle, ne pouvaient tout simplement corriger l'erreur une fois celle-ci repérée ? Parallèlement, après réflexion je ne trouve pas si évident que les modernes tels Vicentino aient demandé de noter toutes les altérations parce qu'ils souhaitaient désormais en exprimer certaines sortant des limites du système hexachordal : en toute rigueur, n'aurait-il pas suffi de noter seulement ces dernières ? (pure spéculation de ma part : n'était-ce pas par hasard la position de Lassus, resté attaché à l'ancienne pratique de notation, mais dont la musique ne peut, pour moi, être qualifiée de franchement conservatrice ?) En tout cas, il est troublant de constater qu'en cette fin de XVIe les définitions de pulchritidinae se réfèrent à la beauté expressive du chromatisme, et non pas à la définition précise et forte de l'attractivité au sens de Zarlino (nécessité de majoriser la sixte ou la tierce avant l'octave ou la quinte). Alors je me demande s'il ne s'agit pas plutôt d'un changement radical de perception du statut des altérations : de constituant obligé d'un système, elles deviennent des éléments expressifs et, par conséquent, librement choisis. Le renoncement à certaines altérations anciennement obligées devient un élément expressif au même titre que l'ajout de certaines autres précédemment interdites (ce phénomène s'est d'ailleurs produit beaucoup plus récemment, comme le remarque l'auteur qui cite un thème de Dvorjak) ; or, comment un compositeur peut-il être sûr qu'une altération qu'il n'écrit pas, volontairement, ne sera pas ajoutée par l'interprête, si ce n'est en plaidant pour qu'elles soient toutes explicitées ?
Eh bien, l'auteur, Vincent Arlettaz, m'a fait l'honneur et le plaisir de prendre mes remarques au sérieux, au point d'y répondre : voyez ! Profitez-en pour consulter aussi ses réponses très intéressantes à d'autres critiques ou commentaires.