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Cette absence nous frappe d'emblée, et nous gênera tant que nous n'aurons pas pénétré l'intimité de cette musique : il s'agit d'écouter des phrases habitées par la pulsation du tactus, plutôt que de compter des valeurs s'inscrivant nécessairement dans une métrique régulière.
Les symboles de liaison sont utilisés dans plusieurs cas par notre notation moderne :
Existence de rapports ternaires
Aujourd'hui tous les rapports de valeurs sont binaires : une ronde vaut deux blanches, qui à leur tour valent deux noires chacune, etc. A l'époque existaient aussi des rapports ternaires, dont l'importance croît à mesure qu'on remonte dans le temps, car ces rapports dits parfaits constituèrent même les prémisses du système. L'opinion courante aujourd'hui, et certains documents d'époque, rapprochent cette idée de perfection de la notion religieuse de Trinité.Les signes de mensuration placés en tête de chaque partie déterminaient quelles notes étaient en rapports ternaires ou binaires. Les mensurations de chaque partie n'étaient pas nécessairement identiques, et elles pouvaient changer à la rencontre d'un nouveau signe en cours de portée. |
Existence de rapports variables
C'est certainement le point le plus déroutant du système au premier abord, mais aussi le plus caractéristique et le plus logique étant donné l'absence des symboles de liaisons. Faute de pouvoir construire des valeurs composites en ajoutant des notes liées, elles étaient obtenues par soustraction : en mensuration ternaire, une longue note peut être amputée de la valeur d'une note voisine plus petite à sa gauche ou à sa droite ! |
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Une note définie au départ comme parfaite par le signe de mensuration, c'est à dire valant trois notes plus petites, pourra donc être rendue imparfaite par le voisinage d'une note de niveau inférieur, et alors n'en valoir que deux, pour un total inchangé de trois - appelé perfection. |
A première vue aucune musique de cette époque ne présente d'indication de tempo, mais c'est inexact, car cette indication est incluse implicitement dans les signes de mensuration, du moins dans leur acception rigoureuse prévue aux origines du système : quelques documents d'époque montrent des chanteurs se touchant l'épaule de la main pour battre la pulsation ou tactus, qui prescrit de passer la semi-brève (notre ronde) au rythme approximatif des battements du coeur humain.
Nous partons d'un fac-simile comme l'un de ceux visibles sur le site, pour aboutir à sa transcription en notation moderne, puis à son audition : si ce n'est déjà fait, allez vite écouter mes transcriptions de Josquin, Barbireau, Mouton, etc, sur la page consacrée aux pièces de la renaissance, je présume que cela vous motivera pour aborder la suite de cette étude !
En premier lieu vous aurez soin de choisir un fac-simile facile à lire. C'est plus important qu'il n'y paraît, car j'ai constaté qu'un document mal présenté ou mal conservé engendre plus de difficultés parfois que le travail de transcription proprement dit : signes de suite renvoyant à divers recoins de la feuille, ratures, hampes de notes presque effacées, silences ressemblant à des points - à moins que ce ne soit l'inverse - autant d'écueils sur la route du débutant mal assuré que nous sommes encore ! |
Ensuite il vous faudra transformer les ligatures du manuscrit en une suite de notes écrites isolément comme elles le sont aujourd'hui. C'est à mon avis un processus aussi simple qu'amusant, que vous explique ma page sur les ligatures. Ainsi vous obtiendrez une succession de figures de notes, sans pour autant connaître encore leurs rapports de valeur qui dépendent justement de la mensuration. |
Figures de notes et de silences
Je ne vais pas reproduire ici le nom des notes donné en tête de la page sur les ligatures, mais simplement le tableau de leurs abréviations et symboles, en le complétant toutefois par une ligne consacrée aux silences correspondants :Mx | L | B | S | M | Sm | F | Sf |
ou | |||||||
ou | ou | ou |
Quelques mots encore sur le rapport de réduction que certains auteurs ont appliqué systématiquement aux transcriptions. L'absence de réduction consiste à représenter une semi-minime par une noire, une minime par une blanche, puis, selon la mensuration, une semi-brève par une ronde pointée ou non pointée, une brève par une carrée pointée ou non, une longue par deux ou trois carrées liées, et finalement une maxime, presque toujours binaire, par... quatre carrées liées !
Ma réponse est oui, à chaque fois que c'est possible sans alourdir le résultat moderne, c'est à dire dans tous les cas sauf celui d'une partie en valeurs longues de bout en bout, comme ce peut être le cas d'un cantus firmus. Dans ce cas, et celui-là seul, il nous faudra bien diviser les valeurs par quatre, par exemple, afin de représenter les maximes par une carrée, les longues ternaires ou binaires par une ronde pointée ou non, etc, et donc les semi-minimes par des doubles-croches. |
Mieux valait vous réserver une bonne surprise plutôt qu'une mauvaise : en vérité, seuls deux niveaux de division jouent un rôle essentiel au premier abord, à savoir la division des brèves (carrées) en semi-brèves (rondes), et la division des semi-brèves en minimes (blanches).
Il est grand temps d'aborder l'étude détaillée des règles de la mensuration, en cliquant sur la page suivante.